Lingala, langue des migrants congolais par Bienvenu Sene Mongaba

Le lingala est une des 4 langues nationales du Congo-Kinshasa, qui compte plus de quatre cents langues et dialectes. Les trois autres langues nationales sont le shwahili, le tshiluba et le kikongo. Le lingala est parlé dans les provinces du nord et à Kinshasa où il a pris une extension plus large. En effet, Kinshasa étant la capitale, les populations de toutes les ethnies y habitent. Avec plus de six millions d'habitants, Kinshasa renferme près de 10 % de la population totale du Congo-Kinshasa. Le lingala est aussi utilisée de l'autre côté de la rive du fleuve au Congo-Brazzaville. Le lingala employé aujourd'hui à Kinshasa est le résultat des apports de toutes les langues du Congo, du français, langue du colonisateur belge et en moindre mesure, mondialisation oblige, de l'anglais. Avec la situation économique et politique qui s'est mise à détériorer depuis la fin des années soixante-dix, Kinshasa a vu sa population prendre le chemin de l'exil. Les exilés ont emporté avec eux leur langue commune. Aujourd'hui, dans les agglomérations de l'Union européenne et de l'Amérique du nord, le lingala s'impose lentement auprès des populations issues de cette immigration. Dans des villes comme Paris, Bruxelles et Londres, où les communautés congolaises sont importantes, il n'est pas rare de rencontrer les autochtones qui comprennent quelques mots ou phrases de lingala. Le cas le plus frappant est Bruxelles où le quartier africain dans la commune d'Ixelles a pris le nom d'un quartier de Kinshasa, Matongé. Les Congolais de partout en Europe viennent faire leurs achats et prendre la température sociale, économique et politique du pays. Il est difficile de rencontrer un Bruxellois qui n'a jamais entendu parler le lingala. Et comme la situation politique et économique du Congo ne semble pas promettre des jours meilleurs proches, ces exilés d'un instant, s'installent. Et, dans l'esprit de la majorité, le retour en Afrique n'est plus à l'ordre du jour. Mais de l'autre côté, les générations nées en Europe, en quête d'une identité, font un effort de parler la langue de leurs parents. Le lingala se faufile donc un avenir au sein de l'Union Européenne. La faiblesse de lingala, comme des autres langues africaines, reste son écriture. Il y a très peu d'auteurs africains qui écrivent dans leurs langues. La preuve, je suis en train d'écrire cet article en français. Alors que toutes les langues européennes, de moins aux plus répandues, sont écrites. Mais, un effort est entrepris pour remédier à cette situation tant au Congo que dans le monde. C'est là aussi l'expérience de l'immigration. J'ai écrit un roman en lingala qui s'intitule Fwa-ku-Mputu (Mourir en Europe) où je décris le rêve d'un jeune africain de Kinshasa qui ne jurait que pour l'Europe, comment il s'est débattu pour y arriver et comment son rêve s'est écroulé. La volonté de vouloir écrire en lingala n'est pas un simple caprice d'auteur mais un réel désir d'offrir aux migrants congolais, non seulement un instant d'évasion, mais un moyen de questionnement de notre condition dans la société qui nous accueille. Ce que nous pouvons offrir, ce que nous devons faire et ce que nous ne pouvons pas faire. En revanche, mon père, de son vivant, à partir des témoignages oraux qu’il avait recueillis dès son enfance dans les années 1920 jusqu’en 1980, a rédigé en lingala l'Histoire des Batiene, notre ethnie. La langue des Batiene est le kitiene. Mais dans les échanges avec les autres peuples de la région, ils utilisent le lingala. A partir de ce texte, d'autres témoignages que j'ai recueillis et d'une recherche bibliographie, j'ai écrit un essai qui est à la fois historique et anthropologique sur ce peuple du Congo. J'ai traduis ce texte en français et documenté en vue d'une publication. Après l'enrichissement des langues africaines par des langues européennes, je pense que le temps a sonné pour que les langues européennes s'enrichissent aussi des apports des langues africaines plus spécifiques dans leurs langages imagés et proverbiaux.

Bienvenu Sene Mongaba est né le 28/01/1967 à Kinshasa. Il est chimiste et travaille comme chercheur en biotechnologie végétale dans un Centre de recherche en Belgique. Il aime écrire et lire et s'intéresse de près à l'évolution du lingala. Son premier roman écrit en lingala sort à la fin de cet été. Il est toujours à la recherche d'éditeur pour son essai Histoire des Batiene du Congo et de son roman écrit en français En cavale dans le gouffre vert, qui est une fiction qui se déroule au fil des siècles, dans la jungle des forêts des Batiene du 17ème au 20ème siècle. Il est membre des associations culturelles «Nouvelle Ecriture Africaine» (dont le siège est à Bruxelles) et «The Kind Friends» (à Kinshasa).

 

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